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La biopiraterie, au cœur des combats de France Libertés

03.06.2016

Cet article est le deuxième de la série « France Libertés fête ses 30 ans » –
Chapitre 1 : les Jummas, le peuple oublié

 

La biopiraterie, c’est avant tout la privatisation du vivant et des savoirs traditionnels sur la biodiversité par le biais des droits de propriété intellectuelle exclusifs (brevets). Elle consiste en l’appropriation des savoirs ancestraux sur la biodiversité par des organismes de recherche ou des entreprises, qui s’accaparent les ressources naturelles, sans rétribution ni autorisation des communautés autochtones. Niant l’antériorité des savoirs locaux ou autochtones, la biopiraterie est une menace pour la diversité biologique et culturelle et soulève par ailleurs la question de la préservation des biens communs de l’humanité.

La biopiraterie pose des problèmes éthiques, aux conséquences catastrophiques

La privatisation du vivant implique d’abord une vision purement économique de la nature, la marchandisation du vivant.

Elle illustre aussi l’hégémonie des pays du nord : le système international de régulation de la propriété intellectuelle existant est issu d’une philosophie occidentale. Il est imposé à des peuples locaux et autochtones qui pour la plupart ont une vision totalement différente de la notion de propriété et du savoir. Il est de plus discriminant et inadapté à leurs cultures. Face à celui-ci, les peuples autochtones peuvent difficilement protéger leurs connaissances.

La biopiraterie est une négation des connaissances traditionnelles autochtones, développées et partagées librement depuis des temps immémoriaux, et constitutifs de l’identité culturelle de populations vulnérables et d’un patrimoine immatériel commun à l’humanité toute entière. La biopiraterie est, en plus du vol de leurs savoirs, le déni de leur apport à la recherche.

vandana_shiva_france_libertes_uesi_2014-3.jpg La physicienne et écologiste Vandana Shiva explique :

C’est un déni du travail millénaire de millions de personnes et de cerveaux travaillant pour le bien de l’humanité.

C’est aussi une grave menace pour l’environnement : des plantes ou semences brevetées peuvent devenir très demandées et exploitées de manière intensive et néfaste pour l’environnement (et donc des lieux de vie des peuples autochtones). Marion Veber, chargée de mission « Droits des peuples » à France Libertés, explique sur le plateau d’Ali Laidi sur France 24 :

france24_-_biopiraterie_-_copie.jpg La biopiraterie a des conséquences concrètes sur l’environnement : une fois qu’un brevet est déposé, il va être exploité, et va exercer une pression sur la plante demandée. Cela peut aboutir à des monocultures, des perturbations des écosystèmes.

D’un point de vue économique la biopiraterie peut engendrer l’inflation du prix de la plante concernée, impliquer pour les populations ou paysans l’obligation de payer des royalties, ou encore constituer un vol d’opportunité de développement.

Huit ans de campagne contre la biopiraterie

Cela fait maintenant 8 ans que France Libertés agit contre le pillage des savoirs traditionnels à travers des actions de sensibilisation, du plaidoyer et des actions juridiques contre des brevets illégaux. Tout a commencé en 2008, lorsque la Fondation Danielle Mitterrand a cofondé le Collectif pour une alternative à la Biopiraterie, réunissant de nombreuses associations et membres individuels.

Ce collectif est rapidement devenu la référence en France en termes de lutte contre la biopiraterie. Puis en 2014, c’est le comité scientifique de France Libertés qui a pris le relai en appuyant la fondation dans ces actions contre la biopiraterie.

Depuis son engagement dans ce combat, France Libertés a mené différentes actions comme:

actu.png –    l’organisation de 3 rencontres internationales contre la biopiraterie : en 2009, 2012 et 2015. Ces colloques ont pour objectifs de sensibiliser et d’informer sur la biopiraterie et ses évolutions et de regrouper les différents acteurs à l’échelle internationale intéressés par le sujet pour se concerter sur cette question, ses enjeux et réfléchir aux possibles alternatives.

–    la publication en 2012 du livret  « La biopiraterie : comprendre, résister, agir », outil d’information et de mobilisation face à ce phénomène.

–    le plaidoyer au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies en 2014 à Genève, à travers un side-event. L’évènement portait sur l’importance d’améliorer les mesures de prévention internationales contre la biopiraterie pour garantir les droits des peuples autochtones face à l’accaparement de leurs ressources génétiques et savoirs traditionnels. Etaient présents la rapporteuse Spéciale sur les droits des peuples autochtones, Mme Victoria Tauli-Corpuz, M. Wend Wendland, Directeur de la division des savoirs traditionnels de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et M. Cyril Costes, avocat membre du comité scientifique de France Libertés.

–    L’annulation du brevet sur le Sacha Inchi, plante amazonienne brevetée en 2006 l’entreprise française Greentech pour une utilisation cosmétique. Grâce à l’action conjointe de France Libertés et de la Commission Péruvienne de lutte contre la biopiraterie, il a été reconnu que les peuples péruviens connaissaient et utilisaient déjà le Sacha Inchi pour ses propriétés cosmétiques, et donc que le brevet était illégal.

Aujourd’hui, la lutte contre la biopiraterie s’accentue

France libertés mène actuellement des actions de plaidoyer pour que la Loi biodiversité, en France dont un pan entier est consacré à la biopiraterie, permette de mieux prévenir la biopiraterie et assure une meilleure protection des peuples autochtones face à ce phénomène.

arbuste_quassia_amara_biopiraterie.jpg
La Fondation Danielle Mitterrand s’attaque à un nouveau brevet, déposé par des chercheurs français de l’Institut de Recherche pour le Développement sur une molécule aux propriétés antipaludiques provenant d’une plante ancestrale Guyanaise.

France libertés est bien déterminée à poursuivre son engagement pour la défense des droits des peuples et en particulier pour la protection de leurs savoirs traditionnels et la mise en avant d’alternatives.