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35 ANS D’UTOPIES – PHOTO #22

03.10.2011

Des regards complices et emplis de respect mutuel, c’est dans cette atmosphère détendue que Danielle Mitterrand et Elise Lucet préparent leur entretien à venir.


« Une des dernières interviews de Danielle – « Les 5 dernières minutes » avec Elise Lucet – a été filmée chez elle, rue de Bièvre, le 3 octobre 2011. Elle était très fatiguée. Tous les événements liés aux 25 ans France Libertés avaient été mis en place. Le lendemain, le 4 octobre, les célébrations allaient débuter par une conférence où sa présence était essentielle. Elle voulait saluer le travail de toutes les personnes qui l’avaient accompagnée durant ce quart de siècle et faire un bilan de son action à la Fondation.

Avant l’arrivée de la journaliste, nous avions discuté dans sa chambre. Nous partagions toutes les deux, sans le dire, l’idée que probablement nous allions enregistrer face aux caméras pour la dernière fois. Vu son état de fatigue, j’aurais aimé réduire une partie des engagements pris pour la journée. Mais rien à faire, Danielle ne reculait jamais.

Je lui rappelai la liste des choses prévues et le déroulé à suivre. Elle insista pour ne rien couper mais elle contesta le rythme de la journée. Elle voulait respecter tous ses engagement mais à une vitesse qui lui permettait de « vivre le temps » et non pas d’en être victime. 

C’était un sujet qui lui tenait à cœur, sur lequel elle revenait souvent. Ce jour-là, elle me raconta à nouveau l’histoire de ce moment partagé avec un amérindien de Colombie, un Kogi qui avait été invité en France pour une rencontre des peuples premiers. Il n’avaient jamais quitté ses territoire de la Sierra où il habitait avec son peuple depuis toujours. Danielle et lui étaient dans le TGV quand le Kogi lui fit part de son inquiétude par rapport à ce qu’il voyait :  » Pourquoi creusez-vous des tunnels dans la Terre pour y lancer des bolides à grande vitesse ? Ne vous posez-vous pas la question de savoir si la Terre a mal ? Et puis, pourquoi aller toujours plus vite ? A quoi cela sert-il d’aller toujours plus vite ? Pour aller où ? »

A travers cette anecdote, Danielle voulait nous faire réfléchir sur cette pensée : A force d’aller de plus en plus vite, on devient prisonnier du temps et on finit par ne plus le vivre. Courir fait oublier le but, la vision; or, la vision permet de réfléchir à l’avenir. Prendre son temps signifie construire. »

Rita Cristofari, ancienne responsable de la communication à France Libertés