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A quand le respect des droits des Peuples Autochtones par la France ?

22.06.2018

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a organisé la semaine dernière un colloque intitulé Outre-mer : à vos droits !, pour clôturer 2 ans de travaux sur l’effectivité des droits humains dans ces territoires. Les recherches de la CNCDH ont abouti à une série d’avis thématiques dont l’un portait spécialement sur les Amérindiens de Guyane et les Kanak de Nouvelle Calédonie : « La place des peuples autochtones dans les territoires ultramarins français ».

France Libertés, dans sa mission de promouvoir les droits des Peuples Autochtones, salue les travaux de la CNCDH. L’actualité de Guyane confirme en effet le besoin que les institutions publiques françaises se penchent sur cette question et œuvrent pour la reconnaissance et le respect des Peuples Autochtones.

Montagne d’Or : un projet qui nie les droits des Peuples Autochtones

Les amérindiens de Guyane se sont prononcés à plusieurs reprises contre ‘Montagne d’or’, le projet de mine industrielle d’or en pleine forêt amazonienne qui serait la plus grande mine à ciel ouvert jamais réalisée en France. Il semble très clair que le droit au consentement préalable, libre et éclairé des Peuples Autochtones sur tout projet les concernant n’est pas appliqué, en dépit des engagements internationaux de la France.

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Photo: Jeunesse Autochtone de Guyane

La Compagnie Montagne d’Or ne cesse d’affirmer sa volonté d’éclairer la population guyanaise sur les bienfaits de son projet aurifère. Les autorités coutumières amérindiennes ont ainsi invité la compagnie à venir débattre de la mine à Village Pierre, village autochtone de Saint Laurent du Maroni. Cette rencontre, fixée pour le 22 mai dernier, était inscrite à l’agenda officiel du débat public. Les autorités coutumières se sont déplacées pour cette rencontre, ainsi que les membres de la Commission nationale du débat public. Néanmoins, les responsables de la Compagnie Montagne d’Or n’ont pas daigné se présenter au rendez-vous. Comme l’explique l’organisation Jeunesse autochtone de Guyane dans son communiqué de presse, les dirigeants de Montagne d’Or demandaient la présence de la gendarmerie sur place afin de « sécuriser » le dialogue, ce que les chefs coutumiers ont refusé. Ceci n’est pas sans rappeler la « consultation » faite avec l’aide de l’armée brésilienne du peuple Munduruku à propos d’un barrage hydroélectrique en Amazonie qui conduit à une véritable militarisation des études environnementales.

Le Grand conseil coutumier : à quand le droit à l’autodétermination ?

En Guyane, le Grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengés, instance représentative créée par la loi EROM, s’est réuni il y a une dizaine de jours pour élire son bureau. Alors que le décret qui en réglemente le fonctionnement établit que les séances du Grand conseil coutumier sont publiques (Art. D. 7124-48), des représentants autochtones – y compris des chefs coutumiers – n’ont pas été autorisés à rentrer dans la Préfecture de Cayenne pour assister à la rencontre. Notons en outre que, contrairement aux dispositions du droit international, la loi EROM ne reconnait pas le statut de ‘peuple’ aux autochtones français.

Cela en dit long sur l’hésitation (pour ne pas dire résistance) de la France à reconnaître les droits des Peuples Autochtones. Pourtant, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, de 2007, est claire : elle affirme que le droit à l’autodétermination des Peuples Autochtones implique qu’ils puissent déterminer librement leur statut politique (art. 3) et jouir du droit d’être autonomes et de s’administrer eux-mêmes (art. 4). Il ne revient donc pas à l’administration française de décider du fonctionnement du Grand conseil coutumier, de ses membres ou de qui sera présent à ses réunions. Seuls les autochtones eux-mêmes, directement ou par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures (art. 18), ont le droit de le faire.

L’État français doit suivre les recommandations de la CNCDH

Le contexte guyanais montre l’importance et surtout la pertinence des recommandations émises par la CNCDH, qui enjoint la France à respecter les droits des Peuples Autochtones. La Commission recommande notamment :

  • La ratification de la Convention 169 de l’OIT et le respect du droit au consentement libre, préalable et éclairé des Peuples Autochtones (Recommandation n°7) ;
  • Que le représentant de l’État en Guyane et l’assemblée de Guyane honorent leur obligation de saisine obligatoire du Grand conseil coutumier pour « tout projet ou proposition de délibération de l’assemblée de Guyane emportant des conséquences sur l’environnement ou le cadre de vie ou intéressant l’identité des populations amérindiennes et bushinengés » (Recommandation n°14) ; et
  • Que les autorités publiques impliquent systématiquement et à tous les niveaux (local, départemental et national) les Peuples Autochtones, par le biais, soit des représentants coutumiers, soit des associations qui les représentent, dans l’ensemble des décisions qui les concernent (Recommandation n°15)

France Libertés rejoint les recommandations de la CNCDH et demande à l’État français d’enfin prendre toutes les mesures pour appliquer concrètement les droits des Peuples Autochtones sur son territoire.

Nous pourrions en dire tout autant quant à l’attitude de la France à l’international puisqu’elle s’oppose de manière systématique à la notion de « Peuples Autochtones » et à la reconnaissance de droits collectifs, et ce faisant, ralentit considérablement les négociations internationales pour la reconnaissance des droits autochtones.