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Ce que dit la loi : les multinationales dans l’illégalité

05.01.2015

Le premier texte de loi qui parle des coupures d'eau est le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau. Tous les articles qui concernent les coupures d'eau, le 1er particulièrement, ont été modifiés par le décret n°2014-274 du 27 février 2014. Ce décret d'application de la loi Brottes stipule dans son paragraphe introductif que "le décret modifie le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure est applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau afin de tenir compte des évolutions apportées à l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013" dite loi Brottes.

C'est cet article L. 115-3 du Code de l'action sociale et des familles (CASF) qui donne le "la" au sujet des coupures d'eau. L'alinéa 3 qui donne la clé du mystère juridique :

"Du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante, les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles. […] Ces dispositions s'appliquent aux distributeurs d'eau pour la distribution d'eau tout au long de l'année."

Des distributeurs d'eau de mauvaise foi ou ignorants ?

Certains distributeurs d'eau, entreprises ou régies, cherchent visiblement entre les lignes leur solution et contournent, voire se jouent de la loi en vigueur, comme le démontre le procès-verbal du dernier CE de Veolia Eau Île-de-France en date du 25 juillet 2014. Voici le point de vue de Sophie Vidalis-Duvert, DRH de Veolia Eau Île-de-France sur l'actualité législative des coupures d'eau :

"la loi Brottes est une nouvelle loi qui porte notamment sur la tarification de l'eau. Elle comporte trois articles (19, 27 et 28) concernant le service public de l'eau et de l'assainissement […] Ce texte de loi a été promulgué le 15 avril 2013 […] L'article 19 interdit les coupures d'eau dans le cas des résidences principales. Avant la loi, les coupures d'eau étaient interdites lorsque deux conditions simultanées étaient réunies : il fallait que la fourniture concerne une résidence principale et que les occupants bénéficient d'une aide du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). La loi du 15 avril a supprimé la seconde condition, mais a maintenu la première. En conséquence, la loi interdit désormais toute coupure d'eau à un logement occupé au titre de résidence principale sans que l'abonné ait à prouver son éligibilité à une aide sociale […] Il existe une incertitude juridique dans l'application de cette loi […] Cet article L. 115-3 du Code de l'action sociale, issu de l'article 9 de la loi du 15 avril 2013, institue des mesures inverses à celles prévues par la loi précédente. Le décret d'application de la nouvelle loi n'étant pas publié, elle repose sur un décret d'application contraire à son contenu. Toutes les sociétés du secteur, dont Veolia, ainsi que les régies ont décidé d'attendre la clarification de la situation. Dans l'attente de la sortie du décret d'application de la loi, la pratique antérieure se poursuit. […] Au niveau du Groupe, une opération de lobbying est menée afin que le décret soit publié"

Mme Vidalis, il est l'heure de vous mettre à la page législative. En effet, le décret d'application de la nouvelle loi a été publié le 27 février 2014. Vos lobbyistes peuvent donc arrêter de faire pression sur nos politiques dans la mesure où l'article L115-3 du CASF, modifié par le décret du 27 février 2014, est clair. Il est interdit de couper l'eau en cas d'impayés dans une résidence principale. Et ce, pour tout le monde et toute l'année. Il semble donc indispensable d'un point de vue légal que la pratique antérieure soit stoppée sans délai.

Veolia, Suez et les autres, vous êtes hors-la-loi !

Il est de la responsabilité des élus politiques, garants des droits, de maintenir l'eau dans tous les logements pour permettre un accès minimum et une vie digne qui réponde aux besoins d'alimentation et sanitaires. Il est aussi du devoir de ceux qui distribuent l'eau d'agir de façon bienveillante, humaniste et d'inclure dans leurs activités la dimension sociale.

Couper l'eau est immoral, inhumain et aujourd'hui simplement illégal. Les distributeurs d'eau ne pourront pas faire valoir leur ignorance des nouveaux textes en vigueur pour défendre leurs actes illégaux car nul n'est censé ignorer la loi.

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Le droit international à l’eau

La résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies du 28 juillet 2010 a reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit fondamental.

Point 1 : « Déclare que le droit à une eau potable salubre et propre est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme ».

La résolution de Conseil des Droits de l’Homme du 30 septembre 2010

Article 3 : « Affirme que le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement découle du droit à un niveau de vie suffisant et qu’il est indissociable du droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, ainsi que du droit à la vie et à la dignité ».    

Article 6 : « Réaffirme que c’est aux États qu’incombent au premier chef la responsabilité de garantir le plein exercice de tous les droits de l’homme, et que le fait de déléguer la fourniture de services d’approvisionnement en eau potable et/ou de services d’assainissement à un tiers n’exonère pas l’État de ses obligations en matière de droit de l’homme ».


Article 8 e) : [les États se doivent] « d’adopter et de mettre en œuvre des cadres réglementaires efficaces pour tous les fournisseurs de service, conformément aux obligations des États en rapport avec les droits de l’homme, et de doter les institutions publiques réglementaires de moyens suffisants pour surveiller et assurer des règlements en question ».