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Coupure d’eau: Veolia sciemment hors-la-loi

28.08.2014

Une complexité législative sur l’illégalité des coupures d’eau

Petit rappel législatif au sujet de l’illégalité des coupures d’eau en France. La situation est d’une belle complexité. Quand on s’y attelle avec la plus grande objectivité possible, c’est-à-dire sans chercher entre les lignes des textes de loi ce qu’on voudrait y trouver, les mots parlent d’eux-mêmes. Jugez par vous-même de la loi en vigueur:

Le premier texte de loi qui parle des coupures d’eau est le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau. Nous pourrions nous attarder sur ce texte sauf que tous les articles qui concernent les coupures d’eau, le 1er particulièrement, ont été modifiés par le décret n°2014-274 du 27 février 2014. Allons donc directement voir ce décret du 27 février 2014, décret d’application de la loi Brottes (dernière loi en vigueur qui légifère sur les coupures d’eau). Ce texte stipule dans son paragraphe introductif que « le décret modifie le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure est applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau afin de tenir compte des évolutions apportées à l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013″ (dite loi Brottes).

Pas besoin d’aller voir plus loin pour comprendre que c’est cet article L. 115-3 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) qui donne le « la » au sujet des coupures d’eau. C’est l’alinéa 3 qui donne la clé du mystère juridique: « Du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l’année suivante, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption, y compris par résiliation de contrat, pour non-paiement des factures, de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles. […] Ces dispositions s’appliquent aux distributeurs d’eau pour la distribution d’eau tout au long de l’année. »

Des distributeurs d’eau de mauvaise foi ou ignorants?

Certains distributeurs d’eau, entreprises ou régies, cherchent visiblement entre les lignes leur solution et contournent, voire se jouent de la loi en vigueur, comme le démontre le procès-verbal du dernier CE de Véolia Eau Île-de-France en date du 25 juillet 2014. Sans détour, voici le point de vue de Sophie Vidalis-Duvert, DRH de Véolia Eau Île-de-France sur l’actualité législative des coupures d’eau :

« la loi Brottes est une nouvelle loi qui porte notamment sur la tarification de l’eau. Elle comporte trois articles (19, 27 et 28) concernant le service public de l’eau et de l’assainissement […] Ce texte de loi a été promulgué le 15 avril 2013 […] L’article 19 interdit les coupures d’eau dans le cas des résidences principales. Avant la loi, les coupures d’eau étaient interdites lorsque deux conditions simultanées étaient réunies: il fallait que la fourniture concerne une résidence principale et que les occupants bénéficient d’une aide du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). La loi du 15 avril a supprimé la seconde condition, mais a maintenu la première. En conséquence, la loi interdit désormais toute coupure d’eau à un logement occupé au titre de résidence principale sans que l’abonné ait à prouver son éligibilité à une aide sociale […] Il existe une incertitude juridique dans l’application de cette loi […] Cet article L. 115-3 du Code de l’action sociale, issu de l’article 9 de la loi du 15 avril 2013, institue des mesures inverses à celles prévues par la loi précédente. Le décret d’application de la nouvelle loi n’étant pas publié, elle repose sur un décret d’application contraire à son contenu. Toutes les sociétés du secteur, dont Veolia, ainsi que les régies ont décidé d’attendre la clarification de la situation. Dans l’attente de la sortie du décret d’application de la loi, la pratique antérieure se poursuit. […] Au niveau du Groupe, une opération de lobbying est menée afin que le décret soit publié »

Eh bien, Mme Vidalis, il est l’heure de vous mettre à la page législative. En effet, le décret d’application de la nouvelle loi a été publié le 27 février 2014. Vos lobbyistes peuvent donc arrêter de faire pression sur nos politiques dans la mesure où l’article L115-3 du CASF, modifié par le décret du 27 février 2014, est clair. Il est interdit de couper l’eau en cas d’impayés dans une résidence principale. Et ce, pour tout le monde et toute l’année. Plus d’exception liée à la trêve hivernale ou au statut social de vos abonnés. Il semble donc indispensable d’un point de vue légal que la pratique antérieure soit stoppée sans délai.

Veolia, vous êtes hors-la-loi.

Les témoignages que nous recevons à la Fondation sont éloquents et mettent en lumière de nombreux dysfonctionnement scandaleux de notre service public de l’eau en France, voire dans certains cas d’un dysfonctionnement démocratique de notre pays.

Des responsables politiques qui ne sont plus garants des droits

Il est de la responsabilité des élus politiques, garants des droits, de maintenir l’eau dans tous les logements pour permettre un accès minimum et une vie digne qui réponde aux besoins d’alimentation et sanitaires.

Il est aussi du devoir de ceux qui distribuent l’eau d’agir de façon bienveillante, humaniste et d’inclure dans leurs activités la dimension sociale. Quand on sait que les interlocuteurs des usagers de l’eau dans les grandes entreprises de l’eau ou même dans certaines régies publiques, Nauréade pour ne pas la citer, refusent d’échelonner les paiements, il y a de quoi se demander sérieusement si le service de l’eau en France est un réel service public.

Couper l’eau est immoral, inhumain et aujourd’hui simplement illégal. Les distributeurs d’eau ne pourront pas faire valoir leur ignorance des nouveaux textes en vigueur pour défendre leurs actes illégaux car nul n’est censé ignorer la loi.