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Croissance: du dogme à la croyance

18.02.2015


Signal fort, il s’agit de construire et de porter une vision renouvelée de la richesse et du développement humain durable, l’occasion de parler du mythe dépassé de la croissance, thématique chère à la Fondation France Libertés.

À la recherche de la croissance perdue

La croissance économique a son unité de mesure: le produit intérieur brut (PIB).Conçu à la fin de la seconde Guerre mondiale, cet instrument s’inscrit dans un contexte de reconstruction et de développement industriel exponentiel. Pourtant, la croissance économique n’est pas forcément synonyme de bonne santé d’une société, loin de là.

Elle est pourtant devenue plus qu’un dogme une croyance pour les tenants d’une économie toujours plus productiviste. Le PIB est largement critiqué notamment car il ignore les notions de bien-être individuel et collectif: la cohésion sociale, les activités non rémunérées, ou encore la préservation du capital naturel que nous devons léguer aux générations futures.

Revendiquons le droit au blasphème !

À l’heure où toutes les réformes ambitieuses sont sacrifiées sur l’autel de la sainte croissance, comment ne pas comprendre la défiance et le désamour de nos concitoyens envers le politique lorsque celui-ci place au premier rang de ses priorités le retour à la croissance plutôt que nos concitoyens et leur qualité de vie?

Cette croyance quasi dogmatique du retour à la croissance comme seul remède contre le chômage de masse ou les inégalités sociales est d’autant plus ridicule qu’un accident de la route ou une catastrophe naturelle tel que la marée noire suite au naufrage de l’Erika ou encore Fukushima créent de la richesse et donc de la croissance! La réparation des dégâts, la dépollution, la reconstruction apportent de l’eau au moulin de la croissance, alors-même que les désastres engendrés pour l’humain et pour la planète ne sont pas pris en compte dans le calcul du PIB.

La croissance, oui, mais quelle croissance ? Pas celle du PIB !

De nombreux économistes désacralisent la notion de PIB et de croissance. En 2008, Nicolas Sarkozy a chargé Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie en 2001, de mener une étude sur les indicateurs de richesses créant ainsi la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social dite Commission Stiglitz. Le collectif « Forum pour d’autres indicateurs de richesse » (FAIR), dans lequel Danielle Mitterrand était investie, abonde dans le sens du rapport final de 2009: les indicateurs actuels de richesse et de progrès ne sont plus adaptés à nos sociétés post-industrielles. Mais si cette commission a posé les premières pierres d’une réflexion collective pour aller au-delà du PIB et penser de nouveaux outils de mesure de la richesse, aucun acte fort n’a suivi.

La proposition de loi Eva Sas sur la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques replace l’économie au service des fondamentaux humains et écologiques: le PIB et la croissance ne sont plus les uniques instruments pour mesurer le progrès et de richesse d’une nation. En effet, le PIB est obsolète dès lors qu’il n’est qu’un indicateur global qui ne prend pas en compte les évolutions de la société et la répartition des nouvelles richesses créées, et donc les inégalités. Le texte affirme également que « le PIB est un indicateur de court terme, qui ne prend pas en compte la dégradation du capital naturel et l’évolution des ressources, et donc la soutenabilité de notre développement ».

Des indicateurs de richesse alternatifs

S’il revient à une commission transpartisane de déterminer ce que seront ces nouveaux outils qui s’ajouteront au PIB, plusieurs régions de France se sont d’ores et déjà munies d’indicateurs pour mesurer la richesse et le développement durable.

Pionnière, la Région Nord-Pas de Calais a mis en place dès 2003 sur son territoire un programme intitulé « indicateurs 21 ». Sont alors intégrés l’indice de développement humain (IDH), l’indicateur de santé sociale (ISS) et l’Empreinte écologique, ainsi que 22 indicateurs dits « de contexte » allant du taux de création d’entreprises aux critères écologiques en passant par la prise en compte de l’activité bénévole.

Autre exemple, la Région des Pays de la Loire a adopté en juin 2009 son Agenda 21 pour un 21e siècle solidaire et responsable. Ce programme a permis de définir des indicateurs de richesses innovants permettant de mesurer et analyser le développement durable dans la région.

Sacrée Croissance !

Des avancées positives sont à signaler, mais il manque une véritable volonté du politique de rompre avec le dogme de la croissance. De nouveaux indicateurs permettraient pourtant d’évaluer nos investissements à l’aune de véritables objectifs que sont la création d’emploi, la qualité de vie, la protection de l’environnement et la réduction des inégalités. La croissance n’est pas un but à atteindre, mais le moyen de parvenir à une société plus juste et équitable.

La Conférence de parties sur le climat (COP21) à Paris soulève de grands enjeux et c’est à nous de relever ces défis: la croissance ne peut pas signifier « produire plus », il faut produire mieux et parfois moins pour préserver notre environnement. La dette publique se rembourse, la dette écologique non.

Évitons d’attendre 2034 pour enclencher des alternatives à la quête de la croissance, comme dans le livre et le film de Marie-Monique Robin Sacrée croissance !, fiction qui dépeint une société post-croissance investie dans la transition énergétique, soucieuse de la qualité de vie de chacun et du bonheur de tous.

Pour aller plus loin :

En savoir plus sur le livre Sacrée croissance ! sur Alternatives économiques

Enfin, l’exposition « Sacrée croissance » est actuellement:

– à la mairie du 2ème arrondissement

– à la préfecture de Créteil

– au 6B de Saint Denis

– à Melle (Deux Sèvres).