Go to the main content

État de droit ou Multinationales hors la loi ?

01.07.2015

La journée du 25 juin 2015 restera probablement dans l’histoire comme la journée de la révolution des taxis français. Mais derrière ces images de violence, c’est une transformation plus importante de notre société qui émerge.

Si certains profitent de cet éclat pour taper sur l’économie de partage qui émerge notamment de l’univers d’internet, il ne faut pas se tromper de combat et c’est bien notre État de droit qui est en danger.

En découvrant le conflit UBER, cette société multinationale qui continue son business alors qu’elle est clairement hors-la-loi notamment depuis la décision du Conseil constitutionnel, je ne peux m’empêcher de faire le lien avec notre combat sur les coupures d’eau qui lui aussi a eu sa décision du Conseil constitutionnel. A la manière d’UBER, Veolia et Saur continuent allègrement de couper l’eau en étant absolument hors la loi mais qu’importe : le business rapporte plus que le risque d'être poursuivi en justice par tel ou tel usager.

Dans notre pays, l’État est incapable de faire respecter la loi notamment quand les enjeux économiques de profit sont largement plus importants que les peines encourues ou que l’atomisation des usagers est telle que pour 1.000 violations de la loi, seuls un ou deux usagers se porteront en justice.

Le monde change, c’est une certitude mais voulons-nous vraiment d’une société qui met la loi du plus fort ou du plus malin comme règle de base ?

Ne devons-nous pas plutôt développer de nouveaux droits qui puissent permettre à l’État ou aux citoyens de poursuivre des entités économiques au pénal pour non-respect délibéré de la loi?

Aujourd’hui dans le dossier des coupures d’eau, nous n’avons d’autre choix juridique que de continuer notre travail de fourmi en attaquant telle ou telle entreprise sur des cas précis. Pourtant, j’aimerais pouvoir les attaquer au pénal pour non-respect de la décision du Conseil constitutionnel et pour mise en danger de la vie d’autrui. J’ai reçu aujourd’hui même le cas d’une vieille dame de 98 ans à qui Veolia a coupé l’eau dans son immeuble et avec elle 10 autres familles. N’est-ce pas mettre en danger leurs vies que de leur couper l’eau en été ?

Si nos gouvernements présents et à venir veulent garder la main, ils ne doivent pas seulement couper les ponts avec les lobbyistes de tous bords afin de retrouver une ambition politique pour le peuple, ils doivent aussi construire un nouvel arsenal législatif qui leur donne les moyens de sanctionner les multinationales qui se mettent hors la loi délibérément pour des raisons de profit. 

L’expression « Nul n’est censé ignorer la loi » n’est aujourd’hui qu’un souvenir du temps passé où les uns et les autres respectaient la loi par principe. Aujourd’hui, nous n’avons malheureusement pas d’autres choix que d’envisager la sanction lourde et globale pour qu’enfin ceux qui pensent que la seule loi qui vaille est celle de l’argent, soient ramenés sur le chemin de l’État de droit.

 

Emmanuel Poilane
Directeur de France Libertés