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Interview d’Emmanuel Poilane publiée sur « Sauvons l’eau »

23.06.2014


Cette intervention s’inscrit dans le cadre de la campagne « eau pour tous » que mène France Libertés autour de la proposition de loi pour le droit à l’eau pour tous en France et de la pétition associée.

Bonjour Emmanuel Poilane, pouvez-vous nous parlez de votre parcours?

Avant de devenir Directeur de la Fondation France Libertés, j’ai mené une carrière d’expatriation pour la mise en œuvre du volontariat international français dans le monde avec l’association France Volontaires. Cela m’a permis de parcourir de nombreux pays africains et notamment le Tchad, le Bénin, la Guinée Conakry, le Niger et Madagascar ou j’ai résidé en cumulé pendant 17 années. Réinvestir mon expérience internationale en France pour défendre le Droit à l’eau pour tous et le Droit des Peuples Autochtones à disposer de leurs richesses est un challenge de tous les jours et je m’y emploie depuis maintenant 5 années. Notre société occidentale est devenue tellement égoïste qu’elle en oublie souvent l’essentiel et nous essayons de rappeler l’essentiel par notre action.

Vous avez réalisé plusieurs enquêtes en partenariat avec de 60 millions de consommateurs, très largement diffusées dans les médias, telles que « la qualité de l’eau du robinet », « le prix de l’eau » ou encore « les fuites sur les réseaux de distribution d’eau ». Pourquoi avoir choisi ces thématiques ?

Nous avons souhaité, ensemble, travailler à faire toute la transparence sur le service public de l’eau avec un éclairage annuel à l’occasion de la journée mondiale de l’eau du 22 mars sur différents points : en 2011-2012, nous avons travaillé sur le prix et grâce au partage par les citoyens français, eux-mêmes, de près de 10 000 factures d’eau, nous avons pu analyser les pratiques et les possibilités d’amélioration des factures et de leur clarté pour les français et les françaises. En 2012-2013, nous avons éclairé la qualité de l’eau en France en proposant pour la première fois la carte des dérogations au norme de potabilité dans notre pays en partenariat avec le ministère de la santé qui nous a permis de mettre en exergue la déconnexion parfois criante entre l’eau du robinet et la ressource en eau. En 2013-2014, notre étude sur les réseaux d’eau montre bien l’engagement politique nécessaire pour l’entretien de ces réseaux afin d’en limiter les fuites et d’envisager leur entretien dans meilleures conditions qu’actuellement.

Quels sont les prochains grands projets de France Libertés dans le domaine de l’eau ?

Le travail mené autour de l’opération transparence avec 60 millions de consommateurs nous a donné envie de poursuivre cette action sous deux angles différents. Le premier angle se concrétise autour d’une proposition de loi pour permettre la mise en œuvre effective du droit à l’eau en France. Aujourd’hui, 300 000 personnes n’ont pas accès à l’eau dans notre pays et plus de 2 millions de personnes sont en trop grande précarité pour payer leur accès à l’eau. Cette situation est d’autant plus inacceptable que la crise que nous traversons touche d’abord les plus démunis. Notre travail avec l’Assemblée Nationale avance bien et nous espérons pouvoir faire aboutir cette proposition de loi d’ici la fin de l’exercice 2014 ou tout début 2015. Si vous souhaitez apporter votre contribution à ce travail, nous vous invitons à signer la pétition « Eau pour tous » sur le site de la Fondation.

Une fois les plus démunis réellement pris en compte et protégés, il nous faudra repenser fondamentalement le modèle économique du service public de l’eau. C’est pour cela que nous proposons l’organisation d’Assises de l’eau en 2015. Notre service public de l’eau est aujourd’hui facturé aux abonnés sur la base de leur consommation. Cela signifie que nous payons une prestation de service qui permet de rendre accessible l’eau dans nos maisons sur la base d’une consommation d’eau. Cela a pu fonctionner par le passé mais ce temps est révolu. Il nous faut imaginer le système qui, à l’horizon 2050, pourra prendre en compte en même temps les données économique du service eau et assainissement, les données sociales mais aussi les données environnementales. Ce nouveau modèle du service public de l’eau du 21ème siècle permettra à la fois de renforcer notre beau service public, de dégager les moyens de l’entretien de nos réseaux et de préserver la ressource en eau de nos territoires.

Est-ce que vous pensez que la problématique des enjeux de l’eau est suffisamment prise en compte dans les politiques actuelles ?

Les enjeux de l’eau, s’ils sont bien pris en compte dans le cadre des politiques locales manquent d’engagement politique sur le plan national. Du coup, chacun essaie de trouver des solutions dans son espace mais il manque cruellement d’un élan de coopération qui puisse permettre de regrouper les forces nécessaires aux enjeux de demain, notamment pour l’entretien des réseaux. On peut gérer seul une station d’épuration mais on sait qu’il est difficile d’entretenir seul un réseau qui a été largement subventionné lors de son installation et qui ne bénéficie plus aujourd’hui de tels appuis. L’engagement politique national doit permettre d’enclencher les espaces de coopérations nécessaires sur tous les territoires et de ramener les quelques 30 000 services en France à un nombre plus raisonnable de 400 à 1000 services. C’est un enjeu majeur pour l’avenir.

Retrouvez l’interview complète sur le site de Sauvons l’eau.

© Photo: Alix Dre