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Nouveau round dans la bataille des peuples autochtones : la protection des expressions culturelles à l’OMPI

02.03.2017


Ce vol a permis (et permets toujours) l’enrichissement des individus, entreprises, musées et institutions de recherche en Occident – c’est-à-dire l’enrichissement de la culture occidentale elle-même. Les peuples autochtones, quand à eux, ont été frappés d’un double malheur. Comme si le pillage de leur patrimoine culturel ne suffisait pas, nous avons en plus refusé d’admettre que leur culture en était une : les autochtones font de l’artisanat et pas de l’art, ont une croyance et non une spiritualité, disposent d’un folklore et non de capacités créatives et innovantes.

Pour combler ce vide juridique, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) essaie, depuis 17 ans et grâce à la mobilisation des peuples autochtones, d’élaborer un instrument international de protection du patrimoine immatériel autochtone. Un comité intergouvernemental a été crée pour traiter trois sujets qui, malgré tout ce qui les rassemble, sont discutés séparément au sein de l’OMPI : les ressources génétiques, les savoirs traditionnels (dont la protection est un enjeu majeur pour France Libertés, comme l’illustre notre campagne contre l’industrie de la stévia) et les expressions culturelles, anciennement désignées « expressions folkloriques ».

Cette semaine, les pays du monde entier se réunissent à Genève pour négocier un projet d’articles sur « la protection des expressions culturelles traditionnelles ». Un grand défi juridique se pose : articuler la vision occidentale de la propriété intellectuelle et artistique, basée sur des droits individuels, avec les revendications autochtones, axées sur des droits collectifs.

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Outre cela, les peuples autochtones doivent aussi se confronter à deux écueils encore plus difficiles à surmonter. Un premier est la résistance de certains États à accorder des droits aux peuples autochtones, à l’instar des États-Unis, de la Chine et de pays européens, notamment la France. Celle-ci refuse même de leur reconnaître le statut de peuple, insistant qu’il s’agit tout simplement de « communautés locales ». Dans sa posture, la France méconnaît plusieurs instruments internationaux de droits humains, notamment la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones. Le 23 février, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme – CNCDH a publié un avis adopté à l’unanimité, appelant « l’État français à clarifier sa position en faveur de la reconnaissance de ces peuples en tant que tels ». Espérons que la France change son attitude et décide finalement de défendre les droits des peuples autochtones.

Un deuxième écueil aussi grave que l’opposition de certains pays heurte les autochtones : le manque de fonds pour financer leur participation aux processus de discussion de ces instruments internationaux. Un fonds volontaire a été mis en place à cette fin mais les États ferment les yeux et ignorent leurs responsabilités (rappelons que le droit international reconnaît aux peuples autochtones le droit au consentement libre, préalable et informé sur toute mesure, légale ou administrative, touchant leurs intérêts).

Le gouvernement australien a annoncé hier la donation de 50.000 dollars australiens au fonds volontaire de participation autochtone, ce qui assure la présence des représentants autochtones lors du prochain round de négociations, en juin prochain. Cependant, si les autres États ne suivent pas cet exemple, la participation autochtone à l’OMPI sera compromise. Leur absence tachera l’instrument négocié non seulement d’illégitimité mais aussi d’illégalité. Le patrimoine immatériel des peuples autochtones nécessite des mesures de protection et de promotion, mais celles-ci ne peuvent pas être formulées sans la participation des intéressés.